Lumineux !

Soudain la nuit

Soudain la nuit

© Christophe Raynaud

La force de la proposition de Nathalie Garraud tient tant dans la justesse de ses comédiens qu’au choix du dispositif scénique. Cette pièce d’Olivier Saccomano, à l’écriture incisive et sensible, nous laisse entendre le cri d’urgence qui gronde aux portes de l’Europe. Dans la salle d’attente du service médical d’un aéroport indéfini, l’auteur dissèque sans complaisance notre rapport à l’étranger, hôte indésirable d’un corps qui se considère sain. Lieu de transit, chaises métalliques et froides où les corps nus des protagonistes prennent place. « Bienvenue en Europe », ces mots résonnent, et la présence d’un arbre déraciné et sectionné en tronçons rappelle le sort de ceux qui cherchent une terre d’accueil. Les images que déploie Nathalie Garraud sont à la hauteur de la finesse de la réflexion. Il ne s’agit pas d’un théâtre documentaire, et c’est par le prisme d’une dramaturgie ciselée qu’elle donne corps aux peurs et aux fantasmes d’une Europe tremblante face aux mouvements migratoires. Le rythme resserré des échanges nous tient en haleine, et le sort des protagonistes devient nôtre. Petit à petit, nous quittons un certain réalisme et pénétrons dans les angoisses profondes des figures bouleversées. L’introduction d’éléments oniriques nous laisse entrevoir une lueur. Le seul petit bémol est dans la fin de la seconde partie, lorsque des professions de foi où l’espoir jaillit sont proférées. On s’attendrait à une fébrilité et à un engagement plus coriaces renforçant la force des propos et des idées exprimés. Cette œuvre collective est l’aboutissement d’un cycle de trois années de recherches intitulé « Spectres de l’Europe ». En effet, c’est une pièce profonde et riche qui ne peut que nous hanter.