Morne queer

The Age & Beauty Series – Part 3

© Eric Mc Natt

© Eric Mc Natt

Nous étions très curieux de découvrir le travail de Miguel Gutierrez et de ses danseurs, venus de New York, et dont la trilogie « Age & Beauty » était présentée au Centre Pompidou. Le danseur-chorégraphe travaille la notion de queerness, dont le programme nous rappelle tout le champ définitionnel : mot signifiant « étrange, peu commun, bizarre », le queer bouleverse la notion d’identité, à travers l’idée de race, de genre, de classe, d’âge, tout en valorisant la marge, les exclus, les outsiders ou encore, nous dit Gutierrez, les freaks. C’est passionnant sur le papier. Mais la réalisation est proprement informe.

Tout, dans ce dernier temps de la trilogie, fait pschitt. À l’image de cette machine à fumée mal réglée, qui se déclenche bruyamment et dont les furtives émanations se dissipent aussitôt dans la vaste salle. Sur la scène, à l’intérieur d’un petit carré dessiné par les gradins, s’élancent maladroitement cinq danseurs de tous âges, rasés, poilus, gros, maigres, tatoués, en string ou en robe de mariée, prenant des poses avachies et exécutant des mouvements lourdauds d’aérobic improbable. La présence d’un petit garçon – filleul du chorégraphe – ouvrant le bal ferait presque penser à la séquence d’anthologie du film « Little Miss Sunshine », lorsque Olive se démène dans sa danse sexy et grotesque. Mais ici, nulle volonté de déclencher le rire.

Malgré la projection d’images électroniques vaguement psychédéliques, malgré un combat façon « Blow-Up » dans des papiers plastiques multicolores, malgré un éclairage déclinant le bleu turquoise et le rose fuchsia, tout reste terne et morose, comme ces boules disco fondues et amollies sur le sol. Rien ne vient jamais sublimer les performers. Leurs tentatives godichonnes d’établir un contact avec le public, en le caressant ici et là de leurs pieds ou de leurs mains, échouent lamentablement.

L’enfant et le plus vieux des danseurs sont alors suspendus à des câbles, manipulés comme des marionnettes, et l’on entend la fameuse réplique d’« Un tramway nommé Désir » : « J’ai toujours compté sur la gentillesse des étrangers. » Il n’est pas sûr qu’avec cette moi-pride inepte, qui fait mouche dans le moche, Miguel Gutierrez puisse vraiment compter sur la « gentillesse » des spectateurs…