Oujepo

Moi, le mot

Moi, le mot

D.R.

Une cinquantaine d’années après la création de l’Oulipo, Ouvroir (entendez « atelier ») de littérature potentielle, un groupe décapant avec humour la langue et la littérature à coups de jeux formels et de contraintes mathématiques, c’est dans un véritable Ouvroir de jeu potentiel que la Compagnie des Ondes nous invite à entrer en s’emparant du texte de Matei Visniec, « Moi, le mot ». Le texte de l’auteur francophone d’origine roumaine revisite de manière ludique le sens des mots les plus usés (« oui », « non », « toujours »… « utopie »), les prend au pied de la lettre, les secoue, les répète, les mélange, les file en métaphores pour voir ce qui se tient au bout de la bobine (trait d’esprit, fantaisie, démystifications, désillusions…). Cette expérience, transposée au théâtre, est celle que propose la mise en scène de Denise Schropfer. Tout y est essayé, et l’on passe avec légèreté du violoncelle au slam mais aussi du théâtre d’ombres au clown et au chant choral, au gré des mots choisis. Si certains sillons sont peut-être plus féconds (le violoncelle notamment, ou la magie des ombres chinoises), au fond qu’importe, ce qui compte c’est de tenter, de dérouler devant nous l’expérience des mots, mais aussi celle du théâtre. Au bout de la bobine ? L’enchantement. Essentiellement dû aux trois jeunes comédiens en présence, Aurélien Vacher, Rebecca Forster, Eva Freitas. Chacun d’eux, par son comique tendre et lunaire, sa généreuse assurance, sa belle ingénuité, nous entraîne dans un univers différent, dégage quelque chose de très singulier, et le mélange prend vie, sous nos yeux, et l’alchimie opère. Comme une ultime expérience offerte au spectateur qui permet à cette belle proposition théâtrale de toucher le public, au-delà de l’exercice de style.