Portrait de la société de consommation

Super Premium Soft Double Vanilla Rich

(c) Christian Kleiner

(c) Christian Kleiner

On a eu la chance de voir régulièrement le travail du dramaturge et metteur en scène japonais Toshiki Okada au T2G de Gennevilliers et au Festival d’automne. Dans « Super Premium Soft Double Vanilla Rich », découvert à la Maison de la culture du Japon, Okada situe l’action dans un konbini, un petit supermarché ouvert 24 heures/24, symbole de la société de consommation. Deux toiles peintes représentent des frigos pleins de boissons, de plats préparés, de produits nouveaux et superflus. L’auteur explore les liens entre les jeunes employés, les rapports hiérarchiques avec le gérant et les représentants/managers du Siège, obsédés par la rentabilité. Il dévoile les méthodes de recrutement, de publicité et de marketing. Il livre un portrait désespéré et cynique d’une société consumériste où il n’est question que de marchandises et de rentabilité. Il y a beaucoup d’humour dans sa manière schématique (ou parodique) de scruter les comportements grotesques du directeur tyrannique, des employés obséquieux et formatés ou d’une acheteuse de glaces compulsive. Il y a de la provocation dans l’utilisation du « Clavier bien tempéré » de Bach arrangé en musique de supermarché, qu’on entend pendant toute la durée du spectacle. Okada exprime ainsi ses interrogations sur la solitude, la liberté et le travail et décrit une génération de jeunes citadins japonais manipulés, sous pression et au bord de l’implosion dans le monde des petits boulots. La langue d’Okada est quotidienne, très orale, immédiate. Le jeu des acteurs est délibérément peu articulé et peu timbré. Et pourtant, le spectacle évite le naturalisme. Les corps sont toujours en mouvement. Les gestes saccadés presque dansés en continu se juxtaposent aux phrases, traduction de l’absurdité de ce monde.