Remember anthropology

Haine des femmes

© Simon Gosselin

© Simon Gosselin

Cette année, côté OFF, on se tape dessus (enfin pas loin) pour voir « Haine des femmes », monté par Mounya Boudiaf à Présence Pasteur : « Tiens, Boudiaf, comme le président algérien qu’ils ont assassiné à la télé en 1992… » On me dit que « ça parle de femmes victimes du terrorisme » et je pense « Quel terrorisme ? FLN ? OAS ? FIS ? GIA ? ». Car l’Algérie et les acronymes assassins, c’est une longue histoire übertragique. Tellement über que les metteurs en scène sont souvent dépassés et oublient de le théâtraliser, ce tragique, au profit d’une mimesis pourrie de l’événement historique et du fait divers…

La même mimesis pourrie malheureusement à l’œuvre dans « Haine des femmes », qui revient sur l’« affaire Hassi Messaoud », fait divers monstrueux survenu dans une ville pétrolière du Sahara algérien en 2001. Un imam avait appelé ses fidèles à un djihad punitif contre des travailleuses vivant seules donc suspectes et potentiellement haram. Plusieurs nuits de boucherie et un long procès plus tard, « Haine des femmes » propose une narration linéaire et prévisible où se confrontent mécaniquement deux voix féminine et masculine, au profit d’un insupportable pathos féministe. Bref, une restitution documentaire voyeuriste qui asservit l’art à une pathologie de la culpabilité, dans un élan justicier car « c’est pas l’islam, ça ».

Mais quitte à faire dans le documentaire archivable à l’INA avec la bande-son qui crépite, autant rappeler que 2001, c’est le crépuscule de la « décennie noire » en Algérie, après quarante ans d’une indépendance ratée. Alors forcément, à force de vivre au milieu des charniers, des attentats, des lynchages et des gorges tranchées, ça crée un p’tit changement anthropologique dans votre quotidien, le rapport à la mort, au sang, et tout et tout. Faut relire Tahar Djaout, quoi.