Soliloque schizophrène

J’ai de la chance

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À la suite de la mort de ses parents, la comédienne Laurence Masliah s’est plongée dans l’histoire de sa famille. Ce deuil cathartique a donné naissance à sa première pièce en tant qu’auteure. Par pudeur sans doute, Masliah a imaginé les personnages de Natasha, comédienne également, et celui de sa grand-mère, Germaine. Natasha regrette de ne pas avoir demandé à sa Mamie de tout lui raconter avant que le cancer de la mémoire n’efface tout. Grâce aux photos, aux vieux boutons et à un manteau de cuir vert, Germaine va renaître de l’oubli, attachante et très bavarde. Trop bavarde.

Le manque de recul de Laurence Masliah sur son propre texte est indéniable. Tandis qu’elle récite avec passion ces mots qu’elle connaît si bien, nous peinons à comprendre où nous en sommes. Qui est là ? Qui nous parle ? Nous assistons à un monologue schizophrène sans adresse concrète, à l’image de ce moment gênant où la comédienne continue de déverser sa tirade face à un mur. Germaine, amoureuse des mots, nous parle de son obsession pour la laine polaire, de son amour pour les mots compliqués, de sa tendre « Tasha » et du charisme de Dussollier. À ces futilités de la vie se mêle son passé d’enfant juive durant la Seconde Guerre mondiale. La volonté de l’auteure-interprète d’inscrire sa petite histoire dans la grande est sensible, bien que versant dangereusement vers le rappel moralisateur du devoir de mémoire. La parole se fait de plus en plus décousue, Germaine se répète et oublie peu à peu.

Laurence Masliah a fait le pari risqué de porter sa propre parole, très personnelle et non digérée, rendant la distance de l’artiste-interprète impossible. Peut-être aurait-il été plus sage de confier ses mots à une autre.