Tarzan fugueur

Fugue

(c) Christophe RAYNAUD DE LAGE

(c) Christophe RAYNAUD DE LAGE

A l’instar de la figue, qui peut à l’occasion être mi-raisin, la fugue est un art aux visages multiples. Musicalement, elle permet la superposition de plusieurs voix d’importances égales qui se répondent à partir d’un sujet identique. Au théâtre, le genre était à inventer. La tentative de Samuel Achache, moins rigoureux que Bach mais nettement plus hilarant, pourrait se résumer comme suit.

En partant d’une situation donnée, si possible totalement loufoque (comme une mission scientifique en Antarctique), chaque scène répond à celle qui précède en utilisant TOUS les moyens du bord de CHACUN des comédiens-musiciens, convoqués ensemble et en solos. Leur virtuosité musicale, d’accord, mais aussi l’intégralité de leurs réserves de créativité délirante, leurs clowns les plus implacablement timbrés, leurs obsessions grotesques et tous ces talents cachés qui auraient dû le rester jusqu’à la tombe.

La scène de travaux pratiques détaillant l’art de confectionner un maillot de bain avec du ruban adhésif pour gagner une compétition de natation en solitaire dans une baignoire en est un exemple éclatant. Comment ne pas y voir une forme de fugue, puisqu’il n’aura échappé à personne qu’il s’agit là d’une réponse au “Tarzan” de Johnny Weissmuller, magnifiquement transposé à la banquise de notre temps ?

Enfin, preuve est faite que fugue et évolution ne sont pas antinomiques. Mieux que Tarzan, qui passait du discours au cri primal pour exprimer l’indicible et habiller les transitions, nos aventuriers du pôle sud, eux, prolongent plus subtilement les mots en musique et en chants. Et si on ne peut enlever à Tarzan son grand OUI à l’appel de la nature, il restait plus sommaire que ce grand OUI à l’improvisation créatrice minutieusement retravaillée et maîtrisée par des comédiens de grand talent.