Théâtre dans un fauteuil

La Ronde de nuit

D.R.

Après la confession de Nelson Mandela depuis sa geôle dans « Africa Mandela », après la confession d’Haroun à sa mère depuis sa maison berbère dans « Meursaults », de Philippe Berling, « La Ronde de nuit », de la compagnie Fraction, mis en scène par Jean-François Matignon d’après le roman de Patrick Modiano, restitue la confession (depuis son bureau) d’un agent de la Gestapo infiltré dans la Résistance pendant l’Occupation.

Trois récits d’hommes sans aucune parité, des hommes à l’humanité ambiguë, à la culpabilité équivoque. Des héros, des bourreaux, ou des victimes de l’histoire : la frontière est floue. Mais une autre frontière est claire, quant à elle : celle qui se dessine entre le texte de Modiano et son adaptation théâtrale, puisque le texte occupe 99 % du spectacle, soit 1 % de dramaturgie. Et ce n’est même pas un régal pour nos oreilles, parce que même si c’est du Modiano, ça se digère mal. Bref, c’est du théâtre à lire dans un fauteuil, ou pour le dire clairement un bon roman à s’offrir sur Amazon pour 5,20 euros en format poche.

Premier coupable : un décor pas raccord avec ce qu’on nous raconte, de couleur vomi verdâtre pour bien re-symboliser que l’Occupation c’est pas rigolo. Deuxième coupable : une ambiance musicale pas raccord avec ce qu’on nous raconte, sortie tout droit d’un épisode de « Derrick ». Coupable suprême : la mise en scène indécise, fragile et incohérente.

Mais la belle éclaircie sur ce plateau couleur vomi, on la doit au comédien Thomas Rousselot, qui est un peu la note bleue dans ce monde cacophonique, une note juste, rare et miraculeuse. Et son jeu d’une grande sobriété retient sur lui tout ce qui se délite sur la scène.