Toujours la joie

Hacia la alegria

(c) Christophe Raynaud de Lage

(c) Christophe Raynaud de Lage

Chez Py, celui qui va mourir voit se dessiner sur l’écran de son âme les traces éphémères de ses humeurs tandis que la voûte céleste laisse tomber au-dessus de lui quelques fragments de son âme. Plongé dans la solitude, l’homme a à répondre de son existence comme à une injonction, comme un devoir éthique qui lui incombe. Cette fois, l’écran au fond de la scène est noir. Devant lui, un homme court. Vers quoi cet homme court-il ? Nul ne le sait. Sa course est une échappée au cœur de la nuit, à travers la ville. Course suffocante, rythmée par une musique saccadée qui dit les soubresauts d’une âme qui a peur, le sol défile sous lui tandis que l’écran lui révèle autant qu’il les lui cache les éclairs lumineux d’un monde illusoire.

Que peut donc signifier cette course effrénée ? Le spectateur entend la joie mais ne peut pas y croire. L’angoisse, d’accord, la colère, bien sûr, la rage, même, mais la joie ? Un homme à terre se tord de douleur. Pourquoi la joie ? Quand l’homme aura fini sa course et qu’il aura rejoint l’égout et ses détritus, que son corps maculé de boue et d’hydrocarbure sera devenu l’écran noir dont s’échappent comme les deux éclats d’yeux de la colère, alors le spectateur pourra entrapercevoir sur le fond de la scène la joie stellaire d’une conscience qui joue avec les ombres et les lumières. Il pourra reprocher à Py un style parfois grandiloquent et rester dubitatif quant à la joie qu’il est censé avoir éprouvée. Il ne peut cependant douter de la parfaite maîtrise avec laquelle Py déploie tel un magicien ces fragments d’étoiles sur la scène de son esthétique. Il pourra enfin éprouver combien les mots écrits par Py dans son roman « Excelsior » semblent, une fois transposés, avoir acquis comme une épaisseur visuelle et musicale et faire chair avec l’espace de la scène.