Ils sont cinq, débarqués d’un avion puis confinés dans un non-lieu oppressant et monochrome. Fouillés, déshabillés, questionnés. Soupçonnés peut-être. Êtes-vous bien sûr d’être qui vous croyez être ? Avez-vous été contaminé ? Un corps étranger peut-il vous rendre malade ou dangereux pour les autres ? Le cordon sanitaire les enserre et menace de les garrotter.
À moins qu’ils ne soient victimes de leur propre exigence de sécurité. « Une hostie a plus de goût ! » s’exclame un personnage avalant le biscuit qu’on lui tend. « Votre sécurité passe avant tout. »
Tout circule facilement dans notre monde, nous, les virus, les terroristes, les pauvres. La peur, aussi. Impossible de s’isoler. Paradoxe qui veut que plus on devient dépendant des autres, plus on aimerait s’en protéger, oubliant que l’on est soi-même toujours l’étranger de quelqu’un. Ce monde trop vaste est-il condamné à être « dé-vasté » ? Vertige de riches bien-portants qui s’obsèdent de ce qu’ils ont à perdre.
L’énigmatique Dr Chahine, chef du centre de quarantaine, nous interroge : pour réapprendre le monde, faudra-t-il littéralement « perdre connaissance », oublier le langage et réinventer l’homme dans une palingénésie inéluctable ? L’Europe qui titube a-t-elle définitivement perdu le sens de son projet commun ?
Telles sont les questions que nous pose le remarquable « Soudain la nuit » d’Olivier Saccomano mis en scène par Nathalie Garraud au gymnase du lycée Mistral. Scénographie dépouillée et efficace qui met en valeur le très beau travail des huit comédiens sur scène.
Dans une résolution finale un peu trop hâtive, des touches de couleur viennent chasser les tons pâles et fades de la peur, comme dans le « Playtime » de Tati, qui commence lui aussi dans un aéroport grisâtre. Adieu la peur ?