A boy has no name

Poil de carotte

Poil de Carotte

Voilà un choix surprenant, surtout de la part d’un metteur en scène de trente ans. Silvia Costa s’attaque à la mémoire littéraire française en portant sur le plateau un roman dont beaucoup ne connaissent réellement que le titre et qui résonne dans nos imaginaires en sépia et culottes courtes. Comment les enfants d’aujourd’hui, bercés d’attention et de surprotection parentale, peuvent-ils se projeter dans le quotidien âpre et sans amour de ce petit garçon à qui l’on ne donne même pas de prénom ? L’adaptation pour le théâtre est tout aussi cruelle et surannée. Installés dans la paille, c’est par les yeux du héros que l’on rencontre sa famille ; lui, haut en couleur, se débattant maladroitement pour exister, lutte en vain face à des personnages fantasmatiques en noir et blanc. La première apparition de la mère, mi-Cruella mi-Dame de pique, fait son effet dans l’assistance. Puis, comme dans le roman, se déploient une série de saynètes où le besoin fondamental d’être aimé se confronte inlassablement à l’humiliation et à la perversité. De cette proposition classique dans sa forme – c’est beau et efficace –, on retiendra surtout un travail sur le son (Lorenzo Tomio) qui accompagne le spectateur, en arrondissant les tensions ou en accélérant soudain les rythmes cardiaques. Glauque et flippant donc, mais tout à fait jeune public quand même. Et c’est là que réside tout l’intérêt de cette proposition qui considère les enfants comme dotés d’une intelligence et d’une sensibilité que l’on peut bousculer un peu. Ils ne sont pas épargnés : il n’y aura pas de happy end, la fin ici est totalement ouverte, et tous repartent avec une vision du monde qui se sera subtilement élargie.