Neva : fleuve de Russie occidentale qui se jette à Saint-Pétersbourg. Paul Golub l’aurait-il allégrement confondu avec l’adverbe anglais « never » ? Tout est affaire de prononciation et de ressemblance, il ne s’agit pas de monter du Tchekhov comme on monte du Calderon ; ou la collision entre deux grands noms du théâtre est alors véritablement mortelle.
« Neva » telle qu’elle est écrite par l’auteur chilien nous donne à voir un théâtre russe des années 1900 où se débattent trois comédiens, hantés par la mort de Tchekhov, six mois plus tôt, et par leurs doutes quant à la légitimité de jouer, alors que la révolution se dessine au-dehors. Huis-clos rythmé par des jeux constants entre les personnages où chacun parle alors qu’il joue, récite alors qu’il parle, ou peut-être encore l’inverse (entre théâtralité et réalité, les frontières sont ici poreuses). Cette pièce n’aurait pu être écrite que par un Tchekhov fou à lier, déraisonné à l’extrême, qui aurait mis le feu à sa cerisaie et fait de l’insurrection révolutionnaire son sacerdoce.
Mais cette folie latente et qui traîne si admirablement dans le texte espagnol ne se dit jamais vraiment dans la mise en scène de Golub, trop polie peut-être, très conventionnelle, cela est certain. Si Neva égale « never », alors un plateau vide nous aurait suffi, et même comblé. Exit le mobilier vieillot et les fausses bouteilles de vodka. L’engagement est avant tout une parole effrontée qui se suffit à elle-même si elle est justement servie. Et c’est le jeu de Pauline Belle que l’on retiendra peut-être en ce sens, incarnant une Macha féroce et harpie – sœur voluptueuse et perverse du dramaturge russe –, son dernier monologue abject joué avec finesse et irrévérence redonne au mot « never » (ou Neva, le doute est sans fin…) ses lettres de noblesse. Neva Est Visiblement En Rodage.