Certains spectacles produisent un effet étrange et paradoxal lorsqu’on en revisite le souvenir : il est possible d’en énumérer aisément de multiples aspects plaisants, voire franchement réussis, et pourtant le tout formé laisse un sentiment d’inabouti. « L’Institut Benjamenta » est de ceux-là. De belles images, des idées intéressantes servies par des acteurs/manipulateurs talentueux, et pourtant… Commençons par le meilleur. Le mélange des marionnettes et des comédiens se prête ici à d’abondantes métaphores plutôt joliment amenées : qui parle quand je dis « je » ? Quelle part du père, du maître, de la société, du Zeitgeist… s’exprime à travers mes lèvres et mes jugements ? L’Institut Benjamenta, tel un cloître aux règles strictes coupé du monde, ne libère-t-il pas en vidant le désir ? Ou n’est-il qu’une usine de reproduction sociale apte à cloner à l’infini des hommes sans qualité ? Marionnette sans fils et fils sans père s’entrechoquent… Bérangère Vantusso nous entraîne dans une hétérotopie plastiquement très réussie, sujets et objets s’y déploient dans une chorégraphie habilement réglée… sans que malheureusement nous nous (y) sentions transportés. Là achoppe l’entreprise : le récit, par ses limitations, trahit l’attrayant tissu visuel. Il offre de nombreuses pistes mais n’en explore aucune complètement, les personnages restent à l’état d’ébauche, les fils se perdent plutôt que de se resserrer. Alors, bien sûr, quand on a subi, la veille au soir, la logorrhée écœurante de nombrilisme d’Angélica Liddell (cette artiste qui vomit le système en n’existant que par lui), l’Institut Benjamenta apparaît comme une oasis rafraîchissante, mais l’on aimerait juste qu’il nous emporte tout à fait.
Au nom du fil
L’Institut Benjamenta