Les Belges font leur « Classe américaine »

Blockbuster

(c) Dominiquehoucmantgoldo

(c) Dominique Houcmant-Goldo

En matière de performances politico-humoristiques, les collectifs belges (Tg Stan, Nimis Groupe…) sont à la pointe. Parmi eux, les Liégeois de Mensuel se posent en dignes héritiers d’Hazanavicius et de sa « Classe américaine » de 1993.

Devenu un procédé incontournable sur YouTube, le mashup ne souffre pas la médiocrité. Pas de risque ici, avec un montage qui n’a pas grand-chose à envier aux redoutables effets de cut et de champ/contrechamp déployés dans « Le Grand Détournement ». Mais la véritable prouesse technique est de réaliser les voix off et la bande-son en direct : la scène de théâtre est transformée en une sorte de brocante saturée d’objets insolites, grands classiques des bruiteurs de cinéma.

Le résultat est bluffant et hilarant. Se succèdent d’improbables séquences revisitant trente ans de cinéma hollywoodien, de la Julia Roberts d’« Erin Brockovich » (rebaptisée « Corinne Lagneau » pour la circonstance) à un Brad Pitt en Gérard Fernandez, aussi beauf que grotesque.

Mais là où « La Classe américaine » s’appuyait seulement sur des dialogues loufoques, en profitant pour enfiler réplique culte sur réplique culte, « Blockbuster » a pris le parti de développer un propos politique qui, même s’il surjoue volontairement la caricature, témoigne de « l’indispensable naïveté qui nous permet d’alimenter nos rêves d’un monde transfiguré ». Ce qui produit un discours mélenchonien parfois ras des pâquerettes, où l’on apprend que les riches sont très méchants et exploitent chômeurs et immigrés. Comme dans « Je suis Fassbinder », de Nordey, une parole simpliste qui s’assure à peu de frais intellectuels le contentement général : pas de doute, le public adore !

En dépit des extraits sélectionnés (de « Matrix » à « Fight Club » en passant par les films de Carpenter), on ne devra pas chercher ici de subversion véritable, pas de cette remise en question du spectateur lui-même qu’aurait justement pu susciter l’utilisation du cinéma – et des blockbusters américains en particulier – comme matériau de représentation du réel et d’expression de la révolte. Restent l’incroyable performance technique et humoristique et la sensation d’assister à un théâtre coincé entre le burlesque et le performatif, et qui n’a pas vraiment choisi son camp.