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À mes amours

(c) Robin Cristofari

(c) Robin Cristofari

Quand elle entre sur scène en trimballant son corps de femme dans ses grolles d’ado, qu’elle vous accroche de ses grands yeux noirs sous le prétexte qu’il faut « faire durer » cette première impression puisque c’est celle qui compte, on se dit déjà que le spectacle ne pourra pas être complètement mauvais. On se dit aussi qu’on aimerait connaître cette grande gueule qui croit qu’on croit qu’on l’a déjà vue quelque part – à l’école primaire d’Orthez à la fin des années 1990, peut-être ?

En vrai, si j’avais eu une camarade de classe comme elle, croyez bien que je m’en serais souvenu. Déjà, on se sent aimé : elle a une passion pour les garçons et quand l’un d’entre eux a le bon goût de lui plaire (et ils ont souvent bon goût), elle donne tout, tout de suite, avec la joie qui déborde partout, les oreilles qui chauffent et le cœur qui bat à tout rompre. Ensuite, elle pose les bonnes questions : pourquoi diable faut-il que l’amoureux se « fasse désirer » alors qu’il DOIT savoir qu’il nous fait languir comme une morue sur un banc de sable (elle fait très bien la morue échouée) ? Enfin, elle est suffisamment jetée pour écrire à douze ans des lettres au futur père de ses enfants, mais suffisamment douée pour qu’on aille checker notre boîte aux lettres au cas où.

Ça a l’air niais dit comme ça, mais non. La langue est pendue mais précise et décalée, l’humour évolue joliment avec l’âge du personnage, il y a 10 minutes de trop mais on s’en fiche. Avec une chaise, deux beaux nichons, trois dictons arabo-bretons, quinze histoires de garçons et quelques insolubles réflexions (l’amour ou le désir ? Hmm, les deux mon colonel), c’est sa gigantesque gloutonnerie de vie, de chaque petit épisode insignifiant et délicieux de vie, qu’on dévore aussi.