© Hasnae El Ouarga

© Hasnae El Ouarga

Il s’est passé quelque chose d’étrange ce week-end dans l’atrium du CND de Pantin. Et il paraît que l’événement se reproduira encore plusieurs fois en région parisienne d’ici la fin de l’automne. Une horde de femmes s’empare de l’espace public et emporte tout sur son passage, comme une faille dans le temps et l’espace provoquerait une onde de choc, nous laissant hébétés et sans voix. Elles ne sont qu’une petite trentaine mais paraissent des centaines, offrant corps et âmes à une transe hypnotisante d’une violence inouïe. La foule se réfugie dans les escaliers – réflexe absolument humain de s’éloigner de ce qui pourrait nous heurter comme nous toucher au plus profond – et observe la scène avec une confusion d’envie et de répulsion. Elles balancent brutalement leurs bustes d’avant en arrière dans un vacarme grandissant de sons gutturaux lancés comme autant de cris enfin libérés. L’expérience semble extrêmement douloureuse et pourtant, il y a ce crépitement à l’intérieur de notre poitrine qui nous implore de les rejoindre. La cacophonie monte dans les étages et prend son rythme, de plus en plus régulier, candencé, devenant pulsations dans nos oreilles, comme lorsqu’un mot trop répété endosse soudain une toute autre signification. Les visages tordus par la douleur sont illuminés d’une lueur quasi-divine. La saccade des plaintes s’élève jusqu’à la nausée mais personne ne bouge : la nuée de corbeaux est fascinante. L’épuisement arrive à son comble, les corps sont exténués par les convulsions et, progressivement, les voix se taisent, sauf une, possédée par la jouissance d’avoir enfin la parole. C’est bouleversant. Bouchra Ouizguen donne à ces femmes un moment pour elles, un exercice insupportable mais salvateur dont personne ne sortira indemne.