La comptabilité de l’amour

Les Créanciers

DR

DR

« Les Créanciers », parmi les premières œuvres de Strindberg après le début de notoriété conféré par « Mademoiselle Julie », porte toutes les caractéristiques de son théâtre : représentation de l’échec du mariage et du couple en général, huis clos bourgeois et étouffant, noircissement inexorable du tragi-comique… Mais, bien plus que « Démons » du compatriote Lars Norén, duquel on pourra rapprocher ce trio amoureux, c’est avant tout par le jeu de ricochets entre drame psychologique intime et naturalisme social que la pièce dérange, à tel point qu’elle suscita les louanges immodérées d’André Breton. Si Frédéric Fage a réussi à incarner l’enjeu du drame à la fois par une belle scénographie rouge et noir et une utilisation de l’espace impeccable, le reste est à l’avenant : une première partie molle, une direction d’acteurs inégale (un Adolph dont la plastique est davantage mise en valeur que le jeu !), et certaines concessions inutiles, notamment musicales. On notera toutefois l’excellente prestation de Benjamin Lhommas, en dandy bobo transgénérationnel, et un magnifique interlude chorégraphique qui, bien qu’il semble tomber comme un cheveu sur la soupe, fait décoller la mise en scène dans une dimension poétique qu’elle ne quittera plus vraiment jusqu’à la fin.