Danser sous les astres

Fatmeh

Fatmeh (© Jad Safar)

Fatmeh (© Jad Safar)

Il y a toujours au-dessus de nous quelque chose, on pourra s’accorder sur cela quelles que soient les croyances. Qu’il s’agisse du Soleil ou de la Lune, d’une divinité quelconque ou d’une figure dont la grandeur nous irradie, nous vivons toujours sous le poids de ce qui est plus grand, plus haut que nous, et dont la force, bien souvent, nous écrase. Ce sentiment, il n’y avait pas de plus bel endroit que le cloître des Célestins, sous un ciel nocturne, pour que le « Fatmeh » du Libanais Ali Chahrour puisse nous l’exprimer.

Face à nous, dans un silence magnifié par le souffle du vent dans les arbres, deux femmes aux cheveux d’obsidienne viennent se parer de noir puis s’approchent lentement, le regard fixe, pendant que commence à s’élever en dessous la voix, merveilleuse, d’Oum Kalsoum, qui embrase soudain la pierre séculaire de la cité des Papes. Celle qu’on appelait « l’Étoile de l’Orient », figure stellaire s’il en est, porte à jamais dans son chant cette mélancolie inimitable, cette chaleur douce et amère qui perce immédiatement les cœurs de ceux qui l’entendent, et personne d’autre ne pouvait mieux accompagner les danseuses d’Ali Chahrour dans cette sublime litanie, qui les verra tour à tour contrites, puis ouvertes, puis déchaînées, puis enfin – peut-être – libérées, balançant inlassablement leurs corps sous une lune rousse pourtant annonciatrice d’une tristesse qui ne nous quitte jamais vraiment. Cette longue lamentation, infiniment poétique, s’impose alors comme une célébration : celle d’un monde arabe résolument moderne, qui ne cessera de revendiquer son identité avec fierté pour nous rappeler que, dans le temps présent, il déborde de choses à nous dire.