Des monts d’amour

Démons

spectacle_17278Ça crie, ça se bat, ça se moque, ça se méprise et ça se brise. Ça s’aime aussi. Entre ardeurs et frustrations. Il y a tout cela dans les « Démons » de Lars Norén, ces « amoureux » qui ne savent pas s’aimer, ou peut-être qui ne peuvent s’aimer qu’en se déchirant dans l’ardeur d’une passion (quasiment au sens christique du mot). Les revoilà dans une version totalement affolante et allumée de Lorraine de Sagazan, qui éclate sans hésitation le huis clos de l’auteur suédois pour en faire un espace de vie et de folie doublement délicieux.

Délicieux, car il laisse la part belle à deux excellents comédiens, Lucrèce Carmignac et Antonin Meyer Esquerré, au talent comique indéniable et remplis d’une énergie et d’une capacité à improviser (autour de situations clés du récit) absolument remarquables. Ils occupent la scène avec une autorité certaine, et un naturel qui renforce le malaise ironique d’un couple sarcastique, exprimant son amour dans l’humiliation et la violence.

Délicieux aussi, car ce malaise, présent dans le texte de Norén, est ici habilement mis en situation par Sagazan. Scéniquement, dramaturgiquement, ou au niveau de l’adaptation, la metteur en scène invente le huis clos amoureux collectif : dans un dispositif bifrontal, elle propose un théâtre quasi participatif, où le public est ici partie prenante du récit (il fait partie des « invités », en guise de deuxième couple dans le texte de Norén).

Placé dans une position de déclencheur cathartique, le public, inclus dans la dynamique du malaise amoureux, n’en rit pas moins de la situation qu’il observe en voyeur consentent… et dont il est l’instigateur, le complice ou l’hypothétique miroir.