Fait divers numéro 2666

2666

Spectacle-fleuve d’Avignon, le projet de Julien Gosselin fait à lui seul événement. Adapter un roman de 1 352 pages en onze heures de spectacle est au bas mot un défi. Mais qui y plonge s’y noiera peut-être.

« 2666 » est de ce genre de pièce qui laisse perplexe, indécis. Cinq parties se resserrent progressivement autour du même sujet : les dizaines de crimes de femmes commis entre 1990 et 2000 dans la ville mexicaine ici nommée « Santa Teresa ». Les fils se déroulent puis s’emmêlent. Le spectateur est projeté d’une partie à l’autre sans transition ni autre forme de procès, manifestement malmené. Il traverse genres et registres littéraires, mais aussi classes sociales, lieux et langues, parfaitement maîtrisés par les comédiens. L’inégalité et l’éclectisme du patchwork frappent alors, et l’on s’interroge sur le but de la démarche.

Si l’omniprésence du mal et de la cruauté de l’âme humaine crève les yeux, les personnages sont pourtant aussi entiers dans leurs sentiments, prêts à se battre bien que le monde coure à sa perte. Leur temps est rythmé par la quête, celle du visage d’Archimboldi, du coupable, de la vérité. Puissance contre impuissance, combat intérieur contre autodestruction, l’autopsie n’aboutit pas. La vidéo et les créations sonores assourdissantes grignotent l’espace scénique jusqu’à le dévorer. L’effet immédiat est fort mais l’impact à long terme, quasi nul. Affaire classée. On ressort de la FabricA comme on y est entré, bien loin de Santa Teresa, du Mexique et des histoires sordides.