L’Écume des jours tchèque

(c) Jakub Kopecky

(c) Jakub Kopecky

Comme l’a prouvé tristement le film de Gondry en 2013, toute adaptation de « L’Écume des jours » est sans doute vouée à l’échec. « Foam of the Daze » n’échappe pas totalement à la règle avec une proposition bruyante et bordélique du duo tchèque SKUTR. Malgré cette réserve, la mise en scène, évitant les contresens, parvient à recréer l’atmosphère surréaliste du roman, en partie grâce à d’heureuses trouvailles scénographiques : à commencer par l’appartement de Colin construit à l’envers, le lit contre le mur du fond, mais aussi un pianocktail humain, réinventé sans accessoire par un groupe de musiciens jouant live, en transparence derrière la scène.

La troupe est jeune et parfois en roue libre, mais l’énergie au plus juste de cette adolescence hipster avant l’heure décrite par Vian. L’improbable personnage de Nicolas est ici un androgyne qui semble venu d’une autre planète (et dont la loufoquerie est nettement plus convaincante que celle d’Omar Sy…). Le thème « Chloé » de Duke Ellington est utilisé intelligemment comme leitmotiv sonore de la pièce. Si certaines séquences de la première moitié sont un peu brouillonnes (notamment la fête sur patins à glace chez Isis), plus le récit s’avance dans le tragique et plus les intentions de mise en scène sont subtiles. La lente descente aux enfers de Colin et Chloé conduit à quelques fulgurances autour du nénuphar funeste. L’obsession « partrienne » de Chick est parfaitement rendue, ainsi que les absurdes et cruelles scènes des vaines tentatives de Colin pour gagner de l’argent.

Malgré ses imperfections, « Foam of the Daze » offre le grand plaisir de voir le chef-d’œuvre de Vian, très imbibé de références germanopratines des années 1940 et de son humour noir et poétique si particulier, retranscrit ici avec pertinence. Au point qu’il semble avoir parfaitement convaincu, au Grand Théâtre de Pilsen, un public pourtant peu familier de cet univers.