Grandeur et décadence

Le Relèvement de l'Occident : BlancRougeNoir

(c) Koen Broos

Quatre heures de spectacle, une trilogie, une compagnie flamande, autant d’informations qui pourraient effrayer le spectateur lambda prenant le chemin du théâtre de la Bastille. Malgré tout la salle est pleine à craquer, bon présage.

Bien que créée en 1989, la compagnie De KOE n’échappe pas à certains tics à la mode. Ici aussi on passe du Lou Reed sur scène et on se met nu sur le plateau. Heureusement, les quelques réserves qu’on peut avoir sont compensées par le charisme des trois comédiens, Peter Van den Eede en tête, aussi à l’aise quand il s’agit de réciter une leçon d’histoire à toute allure que de faire un café à un spectateur. Au-delà du politique, « Le Relèvement de l’Occident » nous apparaît comme une métaphore des relations humaines. La trilogie suit un cheminement classique, de l’enthousiasme et de la fraîcheur des débuts (« On a cinq débuts différents », annonce Natali Broods) à la chute, lorsque des tensions s’installent au sein du groupe.

On avoue notre préférence pour la dernière partie de la trilogie, cette folle leçon d’histoire qui avance inexorablement, projetée sur un écran, tandis que la compagnie dévie et se déchire. Combat d’ego ou attention minutieuse accordée aux détails ? Qui a le droit de passer sous silence une partie de l’histoire, et au nom de quoi ? L’histoire, elle, continue sa marche tandis qu’on se détourne et qu’on se préoccupe d’autre chose. La compagnie De KOE mêle habilement plusieurs branches du théâtre. Dans ce spectacle à la fois narratif et de performance, les personnages créés explosent et laissent la place à une discussion théorique sur l’individualisation du spectateur face à la masse indistincte du public. Ce dernier, lui, est ravi d’interagir avec le plateau, séduit par l’humour absurde de cette troupe belge.