Et in Parkadia ego

Radio Vinci Park

Théo Mercier

Un parking, un néon jaune aux teintes orangées, un motard, immobile, le visage dissimulé, dans une combinaison aussi noire que sa machine. La « Sonate pour piano no 8 » de Mozart, dans une version au clavecin quelque peu grandiloquente, confère une épaisseur crépusculaire à cette image immobile. Un danseur au chromatisme solaire entre alors en scène pour parader autour de cet étrange tombeau, fasciné, tels les bergers d’Arcadie de Poussin. C’est une machine à fantasmes qui trône au milieu de cette salle, une machine à éveiller les mythes anciens et modernes, savants et populaires, et à les télescoper.

On y retrouve évidemment les poncifs de la performance chorégraphique contemporaine : en témoigne le kitch vestimentaire du danseur, habillé de blanc, cheveux blonds peroxydés, talons aiguilles aux brillances bas de gamme. Jusque-là rien de très étonnant si ce n’est la singularité du lieu, car la dimension chorégraphique ne surprendra guère tant elle est conforme à bien d’autres performances. Et pourtant, Théo Mercier parvient à échapper à cette routinisation lorsque à la fin du spectacle la moto, faucheuse des temps modernes, s’anime pour entamer sa danse macabre. L’image de l’angoisse qu’elle incarnait dans son immobilité se délite alors pour devenir l’angoisse elle-même, la belle et fascinante apparence de la mort se diluant ainsi dans les bruits infernaux des moteurs et les pénibles exhalaisons d’essence.

Reste une question : quelle est la nature de cette expérience de l’angoisse qui saisit le spectateur ? Pour rompre la routine, Théo Mercier choisit une option radicale mais contestable, commune à bien des démarches artistiques contemporaines : détruire la représentation pour produire de la sensation brute, comme on ferait un tour de grand huit, comme on prendrait une drogue, pure sensation qui n’advient que pour retourner immédiatement à sa nuit. De ce point de vue, cet angoissant motard est aussi une troublante et involontaire métaphore de la mort de l’art.