Lame de fond plurielle

La Tête des porcs contre l’enclos

Copyright Caroline Ablain

« La Tête des porcs contre l’enclos » est un requiem. Celui d’une jeune fille qui revient sur ses pas pour donner une sépulture à son enfance, pulvérisée par la violence du père.

On parle beaucoup de l’essor des dramaturgies plurielles, souvent sans trop savoir comment les distinguer de la mise en scène. Car après une semaine de festival, chacun a pu constater la récurrente multiplicité des modes d’expression dans les spectacles : son, vidéo, musique, objet, danse, marionnette… Mais une trouvaille technique du metteur en scène pour résoudre telle ou telle énigme du texte ne fait pas dramaturgie. La dramaturgie, c’est la manière de penser, d’organiser l’action ou le discours de la scène dans son ensemble. Faire acte de dramaturgie plurielle, c’est convoquer une polyphonie d’émetteurs qui entrent en relation les uns avec les autres, dans l’harmonie ou la discorde.

Et c’est là qu’il faut saluer le travail, la maîtrise de Marine Mane dans l’élaboration de cette œuvre plurielle. En capitaine, elle s’entoure d’un équipage de trois autres artistes créateurs et interprètes. Murmures, imagerie vidéo produite en direct avec de la matière, musique électroacoustique live, corps cherchant la limite de celui de l’autre… Ensemble, ils écrivent et naviguent à vue au cours de la représentation pour nous emmener au large, retour aux confins de la mémoire, dans les eaux troubles du traumatisme. Il y a quelque chose de liquide dans ce spectacle. Un raz-de-marée. On sort de la salle comme lavé, puis essoré. Serait-ce ça, la catharsis ? Un bon vieux carwash émotionnel, à partir duquel on peut vraiment poser la seule question qui compte face à la violence. Celle du silence des autres.