L’islam éclairé

Leïla se meurt

D.R.

D.R.

La soirée aura commencé par un choc. Dans le cloître des Célestins, sous une chaleur moite, sont apparus trois hommes à la peau brune et aux cheveux noirs, suivis d’une femme voilée, qui ont entonné en chœur des mots qui résonnent aujourd’hui d’un écho amer : ceux de la Shahada, le tout premier pilier de l’islam, qui consiste à affirmer qu’« il n’y a de Dieu qu’Allah, et Mahomet est son Prophète ».

Inutile d’énumérer les raisons pour lesquelles ces mots de l’islam nous mettent en ce moment mal à l’aise, elles sont si évidentes que cela serait redondant. Mais c’est justement cela qui fait que programmer « Leïla se meurt » en Avignon aujourd’hui représente un choix d’une pertinence qui se doit d’être saluée. Avec cette deuxième proposition, Ali Chahrour creuse plus profond dans la tradition musulmane en nous contant, dans une pièce-concert dansée, l’histoire d’une pleureuse dont le travail est de plonger ceux qui assistent aux funérailles dans une forme de tristesse rédemptrice, à grand renfort de prières et d’implorations. Et en nous confrontant à la réalité de l’identité islamique et à l’âpreté de sa tradition, le jeune libanais force nos deux mondes à se regarder dans les yeux, et à s’écouter l’un et l’autre. Alors, en acceptant que nous traversent les chants, les prières et les danses, on percevra peut-être que derrière ce langage, a priori belliqueux, se cache en fait un combat quotidien avec soi-même, avec sa propre impureté, et avec la douleur d’une foi toujours mise au défi – et nous sera ainsi révélé, par la force de la poésie, le sens originel d’un autre mot terrifiant : le « djihad », injustement assimilé aujourd’hui à la guerre prétendument sainte des semeurs de mort.