Madame est servie

Madame Bovary

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Le lecteur attentif de Madame Bovary se sera souvenu du personnage de l’aveugle, lequel passe au-dessous de la chambre de la suppliciée, au moment de sa mort, chantant une berceuse macabre dont les premiers mots sont les suivants : « Souvent la chaleur d’un beau jour / Fait rêver fillette à l’amour. » L’adaptation de Paul Emond semble donner quatre voix à celle tragique de cet homme venu sonner le tocsin ; quatre acteurs, accompagnés d’un accordéon et de guitares, qui deviennent les saltimbanques narrant l’histoire folle de celle qui crut les livres.

La grande réussite de ce spectacle qui pourrait facilement virer au grand guignol, en raison de la densification de l’intrigue et de la concaténation des parties du roman, tient dans l’apparente simplicité de la trame narrative, d’une efficacité redoutable. Le trajet de la vie à la mort est chose facile à raconter pour ces fous du roi. Le dispositif y est pour beaucoup, malicieux il joue pleinement de la frontalité de la scène théâtrale, aucune échappatoire n’est possible, avec en toile de fond un écran qui met en place un décor où les oiseaux noirs sont encore de mauvais augure. La scène est petite comme celle d’une roulotte, la vision du spectateur est saturée, tout dit ou montre l’irrémédiable et souligne l’hybris du personnage de Madame Bovary, qui n’a pas l’intelligence d’une Phèdre, admirablement servie par la débonnaire Sandrine Molaro.

En définitive, une pantomime haletante mais qui souffre parfois – mais rarement – de sa très grande simplicité, Charles un peu benêt y est attendrissant mais agace à la longue, au risque de tomber par moments dans un grotesque mal achalandé. Fable poignante qui fait naître de l’empathie pour la seule femme sur le plateau, l’adaptation incarne autrement le « mythe Bovary », même si l’ironie est la grande absente de cette adaptation.