Maquette d’un attachement en voie de disparition

Zvizdal

Copyright Frederik Buyckx

Le collectif Berlin, guidé par la journaliste Cathy Blisson, est allé à la rencontre des derniers habitants de la zone de Tchernobyl, un couple de vieillards ayant toujours refusé de quitter leur maison après l’accident nucléaire. Ils les ont filmés dans leur quotidien pendant près de cinq ans, tentant de comprendre ce qui les retenait dans leur village natal, alors qu’autour d’eux tous avaient fui cette région contaminée et dangereuse. Il en résulte un témoignage bouleversant sur l’attachement à la terre et à l’autre, sur les cendres du monde qui s’acharne à briser la matière.

Faire exister la zone de Tchernobyl sur un plateau de théâtre n’est pas une mince affaire. La radioactivité ne peut se percevoir avec les sens. On ne peut que la représenter. Et cette campagne ukrainienne où depuis trente ans la vie sauvage a repris ses droits, nous ne pouvons que la regarder de loin, à l’abri, car nous sommes nous-mêmes encore trop engagés dans la civilisation et, à l’inverse de Nadia et de Petro, plus assez en lien avec la nature pour savoir nous adapter. C’est donc protégés par l’image que nous assistons en bifrontal au récit du voyage des deux artistes d’Anvers : sur leurs plates-formes tournantes, trois maquettes représentent la ferme du couple, à trois saisons de couleurs différentes, au-dessus desquelles circulent des caméras. Sur l’écran se mélangent à la fois ce qui fut filmé là-bas et ce qui est filmé du modèle réduit maintenant.

À l’heure où deux entreprises du CAC 40 inaugurent le nouveau sarcophage de la centrale, Berlin présente notre humanité en sursis face à une menace invisible, dans l’attente de la mort, déjà peut-être souvenir, pièce de musée sous cloche de verre.