Plongée

Santo António

© Epicentre Films

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Non pas dans la peau de John Malkovich, mais dans celle de saint Antoine, le patron des amoureux de Lisbonne. C’est une question de regard et d’espace. De dos, toujours, on les voit qui s’éloignent, de la matrice du métro au désert circulaire des rues. Enfermé dans la tour de l’installation, nuque cassée pour saisir les images éclatées sur les murs, agressé par les klaxons, on n’est guère mieux loti que ces zombies cernés par du béton et des hublots, ces garçons et ces filles qui dérivent, écrasés par la caméra qui plonge. Compression. Au petit matin, Lisbonne est un cimetière d’âmes en errance ; un calvaire ? Dans la ville soudain en pente, les amoureux d’hier aux vessies trop pleines, les filles aux foies et aux nuques fragiles découvrent le revers des passions, la souffrance et la solitude des corps, traversent des fourches comme des crucifixions, se répandent. Le malaise est dû à la géométrie lente, à la diffraction des plans : on plonge avec les gueules de bois contre l’asphalte, on se noie comme Ophélie dans l’eau absurde d’un parc. Dilution. Y a-t-il un salut ? C’est une question de temps, l’histoire d’une reconquête ? De l’aube au matin vert, du centre minéral aux confins ouverts, les silhouettes s’incarnent. Aux jambes amputées par les plans rapprochés, aux corps du début qui disjonctent, João Pedro Rodrigues et João Rui Guerra da Mata opposent la beauté plastique des plongeurs : le sens d’une unité retrouvée, la résurrection d’un corps glorieux à visage humain, dans un contrechamp imaginaire. Dilatation. « Santo António » est-il l’histoire d’une fantasmatique métamorphose ? Ce serait trop simple ! Seul le saint a la réponse, lui qui peut tout embrasser simultanément, à 360°. Alors plongeons.