Pour ne pas oublier

Je reviens de la vérité

(c) Jennifer Westjohn

(c) Jennifer Westjohn

Les poètes ont passé la seconde moitié du xxe siècle à se demander s’il était encore possible d’écrire après Auschwitz. Charlotte Delbo, elle, écrit Auschwitz dont elle revient. La compagnie Prospero Miranda adapte son œuvre « Qui rapportera ces paroles ? » dans « Je reviens de la vérité » pour trois comédiennes, trois femmes déportées.

Un cercle blanc, au sol, dans lequel les trois actrices tournent sans fin. Ce cercle blanc, c’est la neige d’Auschwitz en hiver, mais c’est aussi la page blanche sur laquelle ces femmes s’expriment. Seules, elles n’en restent pas moins solidaires pour tenir, pour vivre un pas après l’autre, « à la minute la minute ». Elles ne vivent pas pour raconter, pas encore, mais pour se soutenir les unes les autres. Comment survivre quand on vous a tout pris ?

« Je reviens de la vérité » est une pièce difficile d’accès, la langue de Charlotte Delbo, n’étant pas des plus simples. Mais elle mérite que le spectateur s’accroche. La mise en scène épurée permet de se concentrer sur les mots de la poétesse afin de saisir les enjeux du texte. Chaque comédienne incarne tour à tour une femme et toutes les autres, sans pour autant brouiller les frontières des personnalités mais bien en les distinguant, afin que personne ne soit oublié. La mémoire, voici ce qu’il reste à ces femmes, ce qu’on ne pourra jamais leur enlever. Cette mémoire qui permet de se réchauffer en se rappelant l’odeur de la sole au whisky, et qui permettra aussi à celles qui reviendront de transmettre l’indicible.