(c) Brian Seibert

(c) Brian Seibert

Les danseurs assis ou semi-couchés, dans des postures lascives – façon “Title in progress” de Xavier Le Roy – regardent droit dans les yeux le public assis au sol autour de l’espace scénique. Affublés d’académiques bicolores, face blanc / dos noir et inversement, les danseurs semblent des êtres thaumaturgiques. Le rythme de leurs corps est d’une lenteur et d’une qualité un peu en deçà du sensible. Ils plongent leurs yeux dans les nôtres. Leurs expressions, d’une langueur paradoxalement véloce, passent de l’intérêt, au doute, à l’exaspération. Une relation puissante se met en place entre chaque interprète et chaque spectateur. Perdus dans le regard du danseur, nous comprenons que ces mouvements n’existent que par nous et pour nous, que nous en sommes la cause et la destination. Magnifique réflexion sur les enjeux de la représentation scénique, disséquée ici sur un tapis de danse blanc.

On entre dans une seconde phase dont la référence est clairement cunninghamienne dans le hasard anticipé des gestes, dans la tenue des bras, la position des mains. Le mouvement, que les danseurs réalisent dans une sorte de canon, naît de la jouissance de la torsion, de la curiosité de traverser des postures par lesquelles on n’est jamais passé. Etirer le geste jusqu’à frôler l’infaisable.

Musique et danse sont semblables, l’une comme l’autre à la fois uniformes et irrégulières. Les danseurs ne dansent pas sur la musique, c’est la musique qui joue sur la danse. Les danseurs ne sont pas interprètes du mouvement, c’est le mouvement qui visiblement les interprète. “L’état de danse : une sorte d’ivresse, qui va de la lenteur au délire, d’une sorte d’abandon mystique à une sorte de fureur.” (Paul Valéry)