Russie-Chili-Ici

Neva

DR Thierry Laporte

DR Thierry Laporte

Tout semblait pourtant de bon augure. « Neva » est élue meilleure pièce chilienne en 2006, et c’est le premier texte que son auteur, Guillermo Calderón, confie à un metteur en scène, Paul Golub.

En 1905, lors du Dimanche rouge, Olga Knipper, veuve de Tchekhov et mythique comédienne russe, tente avec sa troupe de rejouer « La Cerisaie ». Alors que dehors la manifestation pacifiste est violemment réprimée, les artistes se mettent à douter. À quoi sert le théâtre dans un monde à feu et à sang ? Que peut le théâtre ? Où se situe la frontière entre le réel et l’imaginaire ? Qu’est-ce qui fait l’authenticité d’un comédien ? Pétri du bras-le-corps mené par les artistes chiliens pour vaincre les fantômes de la dictature passée, Guillermo Calderón s’attelle ici aux questions de mémoire et de résistance, qui deviendront par la suite les chevaux de bataille de son écriture. Le texte porte en lui un message éminemment politique : par essence, le théâtre qui renaît et s’éteint tous les soirs est un acte de résistance.

La puissance du texte réside dans la polyphonie. L’auteur jongle entre différentes temporalités pour parler de toutes les histoires de mémoire et de résistance à la fois : celle d’Olga Knipper, celles de la Russie, du Chili ou de la France. L’Histoire se mêle ainsi aux histoires, et la violence du jeu à celles du présent comme du souvenir. La mise en scène quant à elle peine à suggérer ces finesses. On ne ressent ni l’urgence du théâtre si chère à Brecht, ni la tension rugissante entre le danger extérieur et le confort intérieur. Aucune rupture ne vient structurer l’espace et le jeu des comédiens. Nos personnages sont bien sens dessus dessous mais ne nous convainquent pas. Comment brouiller des frontières qui ne sont à aucun moment délimitées ? Paul Golub avait pourtant bien saisi l’importance de la métathéâtralité et avait lui-même défini l’importance de la simplicité de la mise en scène pour que la tension se resserre sur les comédiens. Eux ne semblent pas capables de la supporter.