Il est un tic exécrable qu’une tranche expérimentaliste de la création théâtrale et chorégraphique contemporaine ne semble pas savoir contenir. Vous avez sûrement déjà dû subir ces passages où, dans un moment de suspens préfabriqué qui semble vous signaler que vous assistez à un instant de grâce, un interprète sur scène en regarde un autre avec une tendresse réflexive dans le regard, qui veut manifestement nous dire « Voyez ! Ce qui est formidablement intéressant dans ma posture, c’est que je suis À LA FOIS interprète et spectateur ».
La recherche de dualisation scénaristique, l’interaction forcée entre un marionnettiste et une lectrice, Renaud Herbin et Célia Houdart, provoque cette très étonnante sensation de faux pour le spectateur. Le texte est dit par un corps qui ne dit pas tant que ça, à côté d’une marionnette qui raconte bien plus.
Le spectacle pose la question vertigineuse de ce qu’implique la création d’un personnage dans tout type de démarche artistique. La marionnette fait figure d’allégorie sur cette question et suffit à nous faire voir la frustration inhérente à l’artiste qui créé de l’irrémédiablement inerte, l’effort de construction, de compréhension des fonctionnements d’un être qui n’est que par soi. Cette tragédie gît dans la marionnette, cette matière que l’on voit vivre mais qui ne vit pas, cette volonté de comprendre ce qui n’existe pas. Un traumatisme fondamental que Renaud Herbin manipule avec métier et, à vrai dire, une justesse troublante. Quel dommage que d’apposer un texte à une marionnette qui parle déjà si distinctement !