Théâtre dansé pour gourmands d’humanité

Religieuse à la fraise

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Au théâtre Monfort, à l’occasion du festival (Des)illusions, Kaori Ito et Olivier Martin-Salvan, sous le regard de Benjamin Lazar, jouent à mesurer leurs différences dans « Religieuse à la fraise », un objet entre danse et théâtre émouvant, drôle et d’une finesse rare.
Il est énorme, français, comédien et chanteur ; elle est minuscule, japonaise, chorégraphe et danseuse. Pas de discours, rien qu’eux deux et ce qui les différencie. Ces différences sont criantes. Elles hurlent même. Ce qu’il y a d’écart entre ces deux-là est assez grand pour y faire entrer l’humanité entière.
Ils sont « un » d’abord dans le même pantalon. Puis leurs corps se séparent peu à peu dans la peur du déchirement, de la chute. Ils s’examinent l’un l’autre, mesurent littéralement ce qui les différencie, puis testent ce que la combinaison de leurs êtres peut provoquer, quand ils s’assemblent, quand ils bougent à l’unisson, quand ils se battent et s’entrechoquent. Enfin, ils finissent par exploser en une magnifique sortie qui nous laisse au bord du vide, pris du vertige de leur soudaine absence, comme revenus d’un tour de montagnes russes avec le sentiment d’avoir fait épuisé la question de l’homme et de la femme en un éclair.
« Religieuse à la fraise » est l’un des plus beaux moments de théâtre qu’il m’ait été donné de voir depuis longtemps. Il y a quelque chose de très profond et de très ancien dans ce travail, ce qui est d’autant plus juste car, avec un Français et une Japonaise, la question de la culture commune serait compliquée à traiter, et c’est pourquoi l’intelligence de leur rencontre, c’est d’être remonté bien plus loin, si loin dans ce qui nous rassemble en tant qu’humains que le message du spectacle, pourtant impossible à énoncer, est profondément humaniste. Et porteur d’espoir.