Gerard et Kelly ont certes réuni de magnifiques danseurs dont les mouvements, qui isolent les parties du corps, sont incontestablement beaux. Malheureusement, leur « partition » est rendue illisible par une scénographie mal conçue. En voulant « réinventer » le rapport avec le public, en autorisant celui-ci à circuler librement parmi les performers, les chorégraphes – paradoxalement – le mettent à l’écart.
Car gêné par les personnes debout devant lui, houspillé par des panneaux mobiles qui lui bouchent aussi la vue, le spectateur, rapidement fatigué, est perpétuellement contraint de se déplacer, sans vraiment savoir où diriger ses pas, incapable de se concentrer sur le travail des interprètes. Les plus malins se sont réfugiés au balcon, d’où ils peuvent jouir d’une perspective complète et saisir un peu mieux la cohérence d’ensemble, les liens qui s’établissent entre le texte et les corps. Ce n’est qu’à la sortie, en tombant sur un mode d’emploi affiché sur un mur, que l’on comprendra davantage la démarche.
Gerard et Kelly, dans ce qui s’apparente volontiers à un exercice d’atelier, réussissent à transformer en touriste avachi le spectateur du CND, d’ordinaire avisé. Son regard, malgré la proximité de corps convulsionnés par la passion, reste perdu et hagard, comme celui d’une poule qui a trouvé un couteau.