Les chemins de l’écho

© Roberta Cacciaglia

Si un mot, traversant l’air et l’eau, heurtant la roche, peut vivre cinq secondes, pourquoi pas cinquante ans ? Par la métaphore de la montagne et de l’écho, l’auteure et metteuse en scène Azade Shahmiri entraîne le public dans son questionnement, à l’intersection du documentaire et de la science-fiction. 11 décembre 2070. Une jeune femme (Shadi Karamroudi) remonte le temps, jusqu’à la mort inexpliquée de son grand-père. Elle a mis au point un dispositif permettant d’entendre l’inaudible : la voix de sa mère, « ce que tu me dirais si tu n’étais pas dans le coma ». Elle fouille les sons et les images d’un passé – notre présent – dont la vérité, diluée en un demi-siècle, impose pourtant chaque jour ses conséquences. Les modulations de la langue persane accentuent la grande sobriété de ce qu’on hésite à nommer « jeu ». Cette mélodie presque blanche, la parole, est à la fois l’objet de l’enquête, son vecteur, et une potentielle pièce à verser au dossier. Azade Shahmiri elle-même interprète le double numérique de la mère dans une construction scénique élégante, efficace et subtile, évitant toute ostentation, pour laisser place à ce vertige essentiel : la présence et l’absence, leur relativité, la mémoire et l’oubli, ce que devient la voix – aussi personnelle que les empreintes digitales – au-delà des mots.