Nul manifeste encore paru du kuduro, ni du dubstep, point de manuel théorique sur le passinho, c’est donc à YouTube et à Wikipédia d’en assurer l’écriture populaire et démocratique, à travers notamment tutos et vidéos, rejouées, pour certaines, des milliers de fois.
Un foisonnement qui est le parangon des danses urbaines, auquel François Chaignaud, Cecilia Bengolea et Ana Pi accordent un spectacle d’une heure. Évitant les écueils des approches anhistoriques ou bien même chronologiques de ces danses mondialisées, « Danses urbaines » nous propose une revigorante histoire mondiale de mouvements souvent nés aux marges des villes, hantés par les limites géographiques, sociales alors éprouvées par les individus qui les ont créées.
Une présentation-montage distrayante et efficace dont les qualités sont qu’elle ne tombe jamais dans un didactisme ennuyeux mais valorise une explication claire et allègre. La juxtaposition des séquences revenant sur un type de danse bien particulier permet d’assurer la spontanéité du propos, et des intermèdes dansés présentent in situ les caractéristiques chorégraphiques au préalable avancées par Ana Pi.
Le langage est la matière noire du spectacle, l’étoffement de notre vocabulaire au sortir de la représentation le montre bien ; ces danses nous traversent grâce à l’universalité de leur langage. Ferventes combattantes des mixtes et des mélanges, les danses urbaines sont absorbantes, spongieuses, féroces, enragées. Si on les faisait femmes, on lirait leur histoire sur leurs veines battantes et sur des poignets mobiles, quasi sardoniques. En somme, le beau geste de ces femmes, c’est bien toujours déjà l’alliance atemporelle d’Éros et de Thanatos.