Pleins feux sur le DJ. Les premières notes de dub s’élèvent du plateau nu, les basses montent des profondeurs. La fête commence et le son ne s’arrêtera plus. Un corps est soudainement éclairé : il est en académique couleur peau, perché sur des pointes qui deviennent aussitôt le prolongement de ses membres. Tels les rouages d’une machine, bras et jambes se mettent en mouvement et le mécanisme est enclenché. Puis deux autres oiseaux déploient à leur tour ailes et pattes, comme autant d’échassiers qui prendraient part à la rave party.
Les corps ondulent au rythme de la musique, entraînés par un balancé incessant. La performance physique est impressionnante : les interprètes dansent sans fin jusqu’à atteindre une forme d’ivresse déclenchée par l’enchaînement des mouvements et des rythmes, des rondes endiablées et des traversées infernales. Chacun puise son énergie dans l’autre car c’est pour le groupe qu’il faut tenir, mais aussi dans le son qui réveille chaque parcelle de peau, retend chaque muscle au moindre signe de fatigue. Attention à la succession d’idées qui ne seraient là que comme témoins de la capacité physique des danseurs. Heureusement, la puissance du rythme et du mouvement est plus forte et nous emporte en continu.
La beauté provient donc de la performance, mais aussi de l’épuisement des corps, des déséquilibres fragiles après 40 minutes d’une danse qui ne finit jamais. On est aussi captivé par l’univers loufoque dans lequel les étranges bêtes nous plongent, et on vibre avec elles jusqu’au dernier instant. Les chorégraphes ont surfé sur la puissance fédératrice du dub en jouant sur le paradoxal plaisir douloureux de la danse sur pointes. Yes we love.