Gris poussière

© Richy Wong

Silhouettes tendues, tordues, contractées, révulsées. C’est dans la douleur et sous la contrainte que Wen Hui ouvre la boîte grise de son ballet documentaire, réminiscence d’une révolution culturelle tout en paradoxes. S’appuyant sur les témoignages filmés d’anciennes membres du « Bataillon rouge des femmes », ballet-propagande de l’époque communiste initié par Jiang Qing, femme de Mao Zedong, la chorégraphe chinoise se veut anthropologue des corps. Deux générations de danseuses décorent l’espace scénique dont l’écran reste le personnage principal. Les mouvements guerriers et les poings vindicatifs dressés dans la pénombre ne peuvent en effet pas rivaliser avec l’attrait du film documentaire qui engloutit littéralement la parole dansée. Dès lors, les interventions des danseuses apparaissent comme des cours techniques austères et maladroits, transformant la volonté didactique en une conférence froide et difficilement accessible. La triste conséquence de ce format « docu-dansé » aux contours flous est la dissolution de la réflexion dans un nuage brumeux de trompettes propagandistes. Féminisme, sacrifices, patriotisme et nostalgie sont mélangés à grand coups de louche dans une soupière malheureusement indigeste.