L‌e mouvement des origines, l’origine du mouvement

Pavane… [ Miniature et miroir ]

(c) Patrick Berger)

 

En un temps où la danse aime à se regarder, à revisiter son histoire, le festival June Events s’ouvre sur une proposition d’Aurélie Berland, « Pavane », « palimpseste », selon ses propres mots, de « The Moor’s Pavane », créé par José Limón en 1949. La chorégraphe dénude cette mise en corps d’« Othello », de Shakespeare, de la musique de Purcell, de sa théâtralité, de ses costumes. Elle offre à la pièce, à travers une bande sonore, des mots et des décors qu’elle n’avait pas. Le schéma des deux couples disparaît, remplacé par quatre femmes. Aurélie Berland s’est appuyée sur la notation Laban. Le spectacle pose ainsi, inévitablement, les questions des traces de la danse, de ce qu’il reste d’une mémoire écrite du mouvement et de ce qu’il n’en reste pas.

L’œuvre de Limón portait déjà en elle ses jolies manières de danses aristocratiques traditionnelles et ancestrales, en conformité avec la temporalité de la pièce de Shakespeare. Le spectacle « Pavane… [Miniature et miroir] » a retenu cette beauté des danses traditionnelles qui réside, entre autres, dans le fait que, bien qu’elles soient complexes, elles sont interprétées avec beaucoup de simplicité, d’aisance, de distance en raison de la répétition et du caractère rituel. Ce sont des mouvements très codifiés, symboliques, chargés, et pourtant leur usure, la récurrence de leur exécution donnent à leurs interprètes l’élégance de la distance. La proposition d’Aurélie Berland a cette beauté de chorégraphie éculée le soir même de sa première, de sa création. Les mouvements des danseuses semblent provoqués par une attraction naturelle. Chaque direction prise, chaque mouvement de buste paraît être la répercussion physique du mouvement d’une autre. Cela provoque quelque chose d’absolument formidable : un mouvement dont on ne voit pas l’origine.