Prisme numérique

©Alessandro Sciarroni

À l’aide d’un laptop avec une webcam dont l’image est projetée au loin, Alessandro Sciarroni fait surgir la poésie de la tension entre ce qui apparaît à l’image et ce qui agit sur scène. Un danseur bouge et, plus fidèle qu’un miroir, la vidéo reproduit ce mouvement. Pris dans le champ de la caméra, le public dessine le cadre de la représentation en un fond d’écran vivant et réactif dans une dramaturgie du selfie, de l’image de soi composée en live, guidé par son propre regard. Passant du relief du plateau au plan de l’écran, la proximité devient grandeur et l’éloignement diminution. Sciarroni utilise les effets vidéo comme outils de distorsion du corps par l’image. Le mouvement se fait acrobatie numérique jusqu’au burlesque. La reproduction symétrique permet de se convoquer un double et de pouvoir se découper, se relier, se confondre avec lui. Changer d’axe comme on change d’humeur, comme une nouvelle tentative de dessiner les contours de son imaginaire corporel pour voir jusqu’où il peut agir sur le monde. Lorsque le jeu se fait plus abstrait apparaît le danger de se perdre dans la contemplation de sa propre image composée. Alors, hors scène intervient l’Autre, le partenaire avec qui l’on peut inventer, ici via Skype, un pas de deux numérique pour superhéros. Et c’est une joie de découvrir à quel point il n’est jamais si loin et que sa présence bouleverse nos perspectives.