Profession de foi

Le Quatrième Mur

Vouloir monter « Le Quatrième Mur » sur une scène, c’est choisir de mettre en images ce livre qui veut faire du théâtre l’arme de tous les possibles. C’est raconter la puissance de cet art qui en lui-même contiendrait la possibilité de « s’élever tout entier contre la guerre… de proposer l’inconcevable », comme c’est dit dans la pièce. C’est une profession de foi, donc. Une gageure, tant la tentative ne peut souffrir l’échec. Pour ce faire, Julien Bouffier use de tous les artefacts du théâtre contemporain, mais surtout de tous les niveaux de discours. Pourquoi ? Certainement pour démontrer la certitude qu’il a de la capacité du théâtre à tout englober : la littérature, le cinéma et l’histoire, mais aussi toutes nos vies. Alors des images, beaucoup, du texte, énormément, et des temporalités diverses, qui s’entremêlent. À certains instants, cela fonctionne et un message passe qui fait du geste de cette troupe une tentative éminemment touchante et utile. « Je suis là pour autre chose que pour comprendre. Je suis là pour vous dire “nous”. Et pour mourir », nous dit Iman, et avec elle toute l’histoire du théâtre et de ces gens qui seuls se sont battus face à la capacité d’autodestruction des hommes. Ici, le théâtre est, et la pièce existe pour ce que son metteur en scène voudrait qu’elle soit. Pour autant, le reste du temps, le dispositif enferme l’œuvre et démontre l’inverse de ce que Julien Bouffier semble vouloir nous dire. Quand Vanessa Liautey termine la pièce écrasée par l’écran du réel et fracassée par l’expérience de la guerre, on ne peut s’empêcher de penser que c’est avec elle le théâtre qui étouffe, malgré tous les gestes et les tentatives qu’il fait pour survivre à l’impossible. À lire le livre et à voir que seule la mort y est présentée comme possibilité de supporter nos blessures, on se demande bien alors quelle pourrait être la porte de sortie de cet art qui semble bien incapable face à l’horreur réelle du monde dans lequel il se débat.