S’absenter

© Yasutaka Watanabe

Dans la salle des machines d’un ancien bâtiment industriel, une étrange déambulation est à l’œuvre. Des corps aux gestes machinaux se déplacent lentement au milieu d’objets de récupération disposés à terre. Parmi eux, Tetsuya Umeda, en sorcier primitif des énergies de la modernité (gaz et électricité), se consacre à ses microexpériences sonores et visuelles. Comme une invitation à les rejoindre, progressivement le nombre de performers augmente, se détachant subrepticement des groupes de spectateurs. Mais à quoi donc sommes-nous invités ? Car à bien des égards, c’est une déambulation d’égarés qui s’offre à nos yeux. Autour de nous, des automates vivants, desquels toute profondeur subjective, toute intériorité semble avoir été abolie. Ce sont des spectres en négatif, non pas des âmes à la recherche de leur corps, mais des corps à la recherche de leur âme. Et si le dérèglement des rapports entre le corps et l’esprit préside toujours à une certaine conception du fou, alors c’est bien à une tentative de figuration de la folie que nous assistons. Mais, loin de faire de l’écart à la norme l’acte de profession spectaculaire de subjectivités singulières et excentriques, Umeda, par son minimalisme, son sens de la répétition, sa machinalité, fait au contraire de son œuvre le lieu de révélation d’une absence apaisée de tout sujet.