Alors que trois émissaires de la Convention organisent un soulèvement d’esclaves dans les Caraïbes, ils apprennent que la République est morte. On comprend qu’en 1989, en plein bicentenaire de la Grande Révolution, Matthias Langhoff ait souhaité mettre en scène cette « Mission » de Heiner Müller, comme une contre-manifestation au consensuel défilé organisé par le publicitaire Jean-Paul Goude. Plus de vingt-cinq ans plus tard, le metteur en scène décide de remonter la pièce, avec des acteurs boliviens, en procédant au travail d’adaptation requis par les exigences du présent. Mais ce geste pourtant nécessaire relève ici d’une greffe trop artificielle. À l’écran – absent de la version de 1989 – sont projetées des images de la Bolivie, de la Commune ou encore de réfugiés parisiens. On saisit l’intention. L’analogie par le montage pour figurer cette « grande fédération des douleurs » dont parlait Jules Vallès. Or, les grandes œuvres de montage sont aussi des œuvres de grande rigueur, et c’est peut-être de cela que manque le remontage de la pièce de 1989 : l’écran a été ajouté à la scène sans qu’une articulation entre les deux ait été véritablement pensée. D’où l’effet non de nécessité mais de pittoresque produit par ces images qui sont d’abord là pour faire « actuel », en une identification problématique entre les signes de l’actualité et les enjeux de l’époque présente.
Souvenir d’une mission
La Mission, souvenir d'une révolution