Sublime chant du cygne

CLAN

Devant « CLAN », une envie impérieuse : rejoindre cette horde, plonger dans le rythme infiniment vital de leurs mouvements, se mêler à leur énergie avant qu’elle ne s’épuise. On pourrait se croire dans n’importe quelle soirée, au milieu de gens qui dansent et se cherchent, nonchalants puis galvanisés. Pourtant c’est à un grand plongeon eschatologique que « CLAN » nous convie. Six danseurs, sans interruption durant 55 minutes, traversés par une ardeur louche : c’est celle du cygne avant de mourir, celle d’une intensité qui bascule en acharnement, comme si danser était tout ce qui leur restait, tout arrêt, arrêt de mort. Autour d’eux, il n’y a déjà plus rien. Ni le rythme ni la scène – nue – ne les précèdent, ce sont eux qui les font naître. Ils dansent et un monde apparaît : jazz, swing, cabaret décati, volutes, velours et lumière rouge. Ils dansent pour s’assurer que quelque chose perdure par-delà leur naufrage, le geste comme un inoxydable cogito. Leur synchronie est impossible. On pense heureusement, car c’est en alternant les forces qu’ils conservent le souffle. Comment s’approcher les uns des autres ? En ondulant, en tremblant : toute combinaison avec autrui doit, pour survivre, avoir la liberté d’une danse. Surtout ne pas chercher à ordonner le chaos, plutôt en épouser le battement organique. Les membres de « CLAN » sont encore plus émouvants lorsqu’on ne sait plus ce qui les unit. Devant un couple qui titube, tandis que l’un s’effondre dans les bras d’un autre, on se demande : abandon au plaisir ou appel au secours ? « CLAN » est d’une générosité inouïe, en ce qu’il communique immédiatement sa force, triomphante, celle du mouvement qui, seul, suffit à affirmer la vie. Impossible de se contenter de la contemplation : on voudrait se jeter avec eux, s’abreuver de leur force nerveuse, devenir, ainsi qu’ils le suggèrent, chose, animal, fou – à condition d’être vivant.