The Sound of Silence

Le Quatrième Mur

(c) Marc Ginot

Depuis sa publication, en 2013, et son prix Goncourt des lycéens, le roman de Sorj Chalandon « Le Quatrième Mur » a suscité de très nombreuses adaptations. Ainsi celles de Luca Franceschi (OFF d’Avignon 2016) et d’Arnaud Stephan (festival Mettre en scène à Rennes), dont nous avons déjà parlé dans I/O ces derniers mois. Julien Bouffier, en résidence à la Filature, s’empare à son tour de ce sujet qui, au regard de l’actualité du Proche-Orient, n’a rien perdu de sa pertinence. Le personnage principal, Georges, double de Chalandon, est ici transformé en rôle féminin, confronté à la réalité d’un Liban du début des années 1980 déchiré par les luttes intestines. Monter un « Antigone » dans un Beyrouth en guerre en réunissant des comédiens amateurs venus de toutes les communautés (Druzes, chiites, Grecs catholiques, maronites…) est un symbole fort tout autant qu’un échec programmé. Une tentative de renouveler le geste hölderlinien d’Anouilh, rédigeant la pièce en pleine Seconde Guerre mondiale. La densité du roman oblige à des partis pris de mise en scène forts : Bouffier a fait le choix d’un théâtre hybride reposant sur la vidéo, sur fond de musique jouée en live par un guitariste – variations lancinantes sur « The Sound of Silence », de Simon and Garfunkel. La dimension ultradocumentaire du projet en est aussi la limite, collant de trop près au texte, tombant par moments, comme dans la version d’Arnaud Stephan, dans un pathos un peu lourd, tout en évacuant complètement les passages du roman les plus drolatiques. Malgré des maladresses dramaturgiques et scénographiques, le spectacle parvient tout de même à une adaptation assez fidèle de l’ambiance du roman, et quelques jolies fulgurances. On regrette que Bouffier n’ait pas poussé encore plus loin la double mise en abyme de son projet (parler du montage d’une pièce franco-libanaise adaptant un récit sur le montage d’une pièce à Beyrouth) pour se décoller de l’intention parfois trop démonstrative de Chalandon, et trouver encore mieux une place poétique qui lui soit propre.