Peut-on procrastiner sur scène ? C’est ce qu’arrivent à accomplir les trois comédiennes de la compagnie Hocemo Théâtre dans cette création collective. Pendant la première partie du spectacle ces trois électrons libres vont tourner autour du pot dans une succession clownesque de jeux d’inaction, d’essais ratés, de brassage de vent. Mais c’est pour mieux mettre en lumière de façon désopilante notre inclination à toujours remettre les choses à plus tard, en utilisant le théâtre comme formidable terrain de jeu et de recherche de ce qui nous cloue au sol. Puis les tentatives prennent petit à petit plus d’épaisseur, la poésie s’invite, nos cœurs s’envolent avec elle et c’est un véritable exutoire de nos fantômes et de nos drames intérieurs qui entre en jeu, avec à chaque fois l’auto-dérision comme principe actif.

Dans cette dramaturgie de la « lose », en variations plus qu’en narration, le parcours des actrices se dessine peu à peu en filigranes, de la prison de l’immobilisme à la liberté d’être et d’agir, avec pour chacune un moment de bravoure, un coup d’éclat qui vient faire tomber le mur des peurs intimes et qui laisse entrevoir l’horizon. Celle-ci se change en super-héros auto-entrepreneur, celle-là endosse la peau de son père avachi dans son fauteuil, la dernière enfin chante son désir de lumière. Et c’est toujours la question de la reconnaissance qui est en jeu. Dans cette société de la « win » où chacun doit sans cesse prouver sa valeur, “La Tentative du lendemain” porte de façon légère et très fine une autre vision du monde : celle du crédit plutôt que de la récompense. Pour que chacun se sente légitime d’agir sur le monde, il faut que le monde le reconnaisse tel qu’il est et lui laisse prendre sa place, sans conditions.