« Dumy Moyi » est l’occasion parfaite de rencontrer ou de retrouver le drôle d’oiseau qu’est François Chaignaud. On ne dira pas qu’il s’agit d’un solo ou d’une performance, comme on ne dirait pas cela d’un oracle de la pythie de Delphes. Il est ce danseur-danseuse prophétique qui, inspiré par on ne sait quelle exhalaison, paraît nous transmettre un message qu’il n’est pas important de comprendre. Entre le faune et l’idole dorée de la Bayadère, François Chaignaud redore le danseur de mythologie et la danse de ses rites. On ne sait jamais trop si on assiste à un cérémoniel ecclésiastique ou si on est l’objet d’une parade nuptiale.
Sous couvert de paillettes, il pointe deux éléments essentiels de la danse. Il danse des créatures monstrueusement sensuelles. On se retrouve dans cette posture de spectateur – assez juste somme toute – qui consiste à venir assister à l’exhibition de corps. Chose plus rare encore, il accorde une place fondamentale au costume. Il ne danse pas, il fait danser le costume. Il habille sa danse d’oiseaux empaillés, d’osier et de sa voix.
Son travail apparaît comme une hybridation permanente de parcelles de cultures qu’il collecte, en bon historien et chercheur qu’il est. Il semble vouloir proposer un autre rapport au spectaculaire plus ancestral ou plus avant-gardiste, à voir. Il replace le spectaculaire dans la notion d’effort physique ou de performance, mais sans être dans quelque chose de totalement démonstratif : il est – fort heureusement – trop prétentieux pour cela.
Le rire du public vient de la surprise ou de la gêne, mais il retentit toujours dans ce climat où l’on ne sait si on est face à un interprète parfaitement sincère ou bien s’il y a de la blague dans tout cela. Je pencherais pour la sincérité la plus totale – mais qui sait ? Entre hydre et bacchante, François Chaignaud a encore sur ce spectacle la justesse de l’humour qui glisse, judicieusement, dans la tête du spectateur le bénéfice du doute.