Vain combat

Ce qui nous regarde

(c) Vincent Arbelet

Le corps et les cheveux recouverts de tissu noir, défiant le public, une jeune femme boxe le vide. Ses mains sont dissimulées par deux gants de combat rouge vif qui se détachent de la pénombre. Cette image, troublante et puissante, ouvre « Ce qui nous regarde », de Myriam Marzouki.

L’exercice est aussi périlleux qu’ambitieux : porter au théâtre la « question du voile », ou plutôt toutes les contradictions que le voile soulève dans la société française. Peut-on être voilée et féministe ? Le voile est-il un instrument de combat politique ? Si l’on considère qu’une femme voilée « n’est pas digne », que dire de celles qui écartent les jambes en pleine page dans les magazines ?

À ces épineuses questions, « Ce qui nous regarde », de Myriam Marzouki, a la délicatesse de ne pas répondre. Cette agrégée de philosophie préfère se réfugier dans la référence permanente et convoquer pêle-mêle les lettres de saint Paul aux Corinthiens – sommant les femmes de couvrir leurs cheveux durant la prière – et des affiches de propagande de l’« Algérie française » incitant les jeunes filles à se dévoiler. Des images d’archives projetées sur fond de musique electro et des témoignages de femmes françaises portant le hijab complètent ce théâtre résolument « documentaire ».

Pourtant, « Ce qui nous regarde » ne parvient pas à faire mouche. Les genres se mélangent avec maladresse, la dimension autobiographique, prélude au spectacle, est vite abandonnée au profit de scènes à la limite du caricatural, tandis que les textes (de Despentes, Badiou ou Pasolini) se chevauchent sans transitions. À trop décrire sans s’engager, le propos de Myriam Marzouki se disperse, et nous ne sommes guère plus avancés, à l’issue de la représentation, sur le combat muet de la femme aux mains gantées de rouge.