Williams halluciné

Soudain l'été dernier

© Élizabeth Carecchio

Une jungle fantastique. Des bruits d’oiseaux sauvages. Une femme, Mrs. Venable, au bord de l’hystérie, assise en fauteuil roulant et accompagnée d’un psychiatre assez spécial, le Dr Sugar. Ils discutent de la mort de Sébastien, poète, fils de Mrs. Venable et créateur de cette particulière forêt tropicale. C’est ainsi que commence la nouvelle mise en scène de l’actuel directeur du théâtre de l’Odéon, Stéphane Braunschweig, « Soudain l’été dernier », écrite par Tennessee Williams et dans une excellente version française de Jean-Michel Déprats et Marie-Claire Pasquier.

Tous les éléments caractéristiques chez Williams se trouvent dans cette pièce peu connue du grand public : les rapports suffocants entre mère et fils, les maladies mentales ainsi que la forte présence féminine, particulièrement bien incarnée par les deux comédiennes plus expérimentées de la distribution, Luce Mouchel et Virginie Colemyn. Et pourtant, « Soudain l’été dernier » propose une écriture et une atmosphère tout à fait atypiques pour Williams. Plus brefs et de temps à autre extrêmement poétiques, les dialogues semblent parfois moins des échanges logiques que de longues divagations, riches en images. La scène finale illustre ce lyrisme grâce à la performance de Marie Rémond, moins convaincante au début de la pièce. Sa description de la mort de Sébastien commence par une énumération banale des faits puis se transforme en une vision fantasmatique. Cette atmosphère est néanmoins présente dès le début, grâce à la fantastique scénographie du même Braunschweig. Inspirée de la première didascalie du texte, elle se veut plus une hallucination qu’un espace réaliste. Un impressionnant tour de force pour un spectacle qui au tout début paraissait moins probant.