Amour de jeunesse

Elle pas princesse / lui pas héros

(c) J-M Lobbé

On avait découvert et aimé le travail de Johanny Bert en 2017 avec « Le Petit Bain » avant de confirmer notre affection pour lui, la même année, avec « Dévaste-moi », créé pour et avec Emmanuelle Laborit. Alors on était très impatients de découvrir cet autre spectacle un peu fou, diptyque pour jeunes spectateurs où la même histoire est racontée par deux protagonistes dans deux salles différentes.

Divisé en deux groupes, le public est invité à découvrir Nils puis Leïli, ou inversement, deux enfants qui ont sacrément du mal à trouver leur place entre stéréotypes de genre qui ne leur conviennent pas et regard méchant des autres enfants. Résolument positif, « Elle pas princesse / lui pas héros » semble dire aux enfants qu’ils ne sont pas obligés d’être l’un ou l’autre, ou qu’ils peuvent être les deux, si ça leur chante. Au passage, le spectacle semble glisser aux adultes un conseil : arrêtons de vouloir faire rentrer les enfants dans des cases comme on force avec un chausse-pied pour enfiler une chaussure trop petite, le monde se chargera bien de les emmerder une fois qu’ils auront grandi.

Joué dans des salles de classe de la Maison du théâtre pour enfants, le texte écrit par Magali Mougel s’amuse avec les codes. Les codes du théâtre, d’abord, puisque le spectacle sort du théâtre pour se jouer dans une école, puis les codes du genre. Nils aime que sa mère lui brosse ses longs cheveux, Leïli porte les siens court et adore les chaussures de randonnée, rien n’est problématique si ce n’est que le reste du monde (qui, à huit ans, est représenté par la classe dans laquelle on atterrit en début d’année) s’en trouve désarçonné.

On n’est pas vraiment d’accord avec le titre, au fond. Pour nous, Nils et Leïli sont des héros. Des héros qui s’ignorent, mais des héros quand même. Parce qu’ils sont drôles, et parce qu’ils ne se laissent pas faire. Joué avec trois fois rien (une girafe en plastique ici, un rouleau de scotch par là), « Elle pas princesse / lui pas héros » réconfortera tous ceux qui en ont ras le bol de se faire emmerder parce qu’ils ne ressemblent pas à ce qu’on attend d’eux. Et puis, osera-t-on rajouter, on n’a pas pu s’empêcher de sursauter de plaisir quand les deux parties du spectacle se sont rencontrées et qu’on a vu une tête hurlant de joie surgir à la fenêtre.